USHUAIA DOS , ouverture pour 2013
Pour la saison prochaine,le club a repris un hôtel mitoyen pour créer USHUAIA Tower, une extension lui permettant un accès direct à la plage.
IBIZA MON AMOUR un livre sur Ibiza
de Yves Michaud
de Yves Michaud
(Ibiza mon amour,NIL Éditions)
Yves Michaud,67 ans,philosophe français , clubber , spécialiste de la culture,fondateur de l'Université de tous les savoirs,publie en mars 2012 un livre sur les fêtes d'Ibiza comme laboratoire de pratiques culturelles actuelles et des plaisirs.Yves Michaud vit depuis de longues années à Ibiza.Il rend compte dans ce livre,enquête de trois ans à l'appui,de la situation et de l'évolution de ce traditionnel coin paradisiaque
devenu une plateforme internationale de "l'industrialisation du plaisir".Il nous explique comment Ibiza est devenue l'archétype de l'ile de la fête et de la nuit.
Pour les fanas d'Ibiza comme moi , ce livre est à lire absolument ! Ali .
Un extrait d'une interview de Yves Michaud sur son enquête :
Qu'est-ce que c'est, Ibiza ?
Yves
Michaud : C'est une île en plis et en creux, dans laquelle plusieurs mondes
coexistent à quelques kilomètres les uns des autres, de façon relativement
séparée. Il y a celui de la fête, pour lequel 80 % des 2,4 millions de
touristes officiellement enregistrés viennent chaque année. Ce monde existe la
nuit comme le jour, grâce aux After-Before et aux hôtels dotés de boîtes de
nuits, qui tournent 24 heures sur 24. C'est celui des jeunes Anglaises venues
de Birmingham en charter et des oligarques russes, entre autres.
A côté,
on trouve un tourisme familial, modelé sur celui de la Costa Brava espagnole,
et un tourisme de retraités, surtout allemands, modelé sur Majorque. Il y a
encore quelques locaux, environ 50 000, qui mènent une vie relativement
imperméable à tout cela, même s'ils en profitent. Il y a enfin un monde
d'intellectuels, de peintres et d'écrivains, qui sont attirés par l'image de
bohème de l'île.
C'est
donc une espèce de marque commerciale ?
La
plupart des gens viennent à Ibiza pour faire l'expérience d'une marque et d'un
mythe. Cela fonctionne à peu près comme pour toute marque de luxe : Hermès a
son sac Kelly, Vuitton sa malle transatlantique et Ibiza son mythe musical, celui
de l'époque hippie fantasmée des années 1970, mâtiné de drogue et de liberté
sexuelle.
C'est
l'île de Calypso, sur laquelle Ulysse est prisonnier au début de l'Odyssée, une
espèce de porte-avion situé hors de l'espace et du temps. Il suffit de regarder
le nom des boîtes de nuit : l'Amnesia, fondée par un philosophe espagnol attiré
par les drogues dans les années 1970, l'Eden, le Space, le DC10...
En quoi
est-ce un laboratoire de nos pratiques culturelles ?
On
retrouve la même logique à l'œuvre à Ibiza et dans l'industrie du luxe, qui
vend non seulement des objets, mais de plus en plus d'expériences. On a ainsi
remis en circulation un "train des maharadjas" en Inde : on peut y
passer huit jours dans une bulle de luxe à traverser le Rajasthan, avec des éléphants,
des tigres, etc. A l'Amnesia, quand on paye 5 000 euros une table dans le carré
VIP première classe, qui en compte quatre, on achète une expérience.
Depuis
les années 1980, le monde de l'art a lui aussi évolué de la production d'objets
à la création de dispositifs de sensation, ce qu'on appelle des installations.
L'art sert alors avant tout à donner du plaisir. Il se rattache au phénomène
touristique à travers les festivals et les biennales. On constate aujourd'hui
que derrière la notion d'esthétique, il y a toujours un vécu indéfinissable,
impur, que la plupart des philosophes de l'esthétique ont voulu effacer.
A Ibiza,
on retrouve ce goût général du bien-être : on baigne dans des
"ambiances", des "environnements" lumineux et sonores très
sophistiqués, décuplés pour beaucoup par les drogues, puisqu'environ 40 % des
touristes en prennent. Une nuit à Ibiza, c'est une gigantesque installation,
avec ses rituels, son temps distendu, fluide, dont vous êtes acteur : il faut
que le public d'une boîte de nuit joue le jeu pour que la fête prenne.
En quoi
cet hédonisme-là est-il nouveau ?
Il existe
un hédonisme de la chance, formé à l'époque antique, lorsque le vin et les
drogues étaient rares, la médecine hasardeuse, la vie exposée à toutes sortes
de vicissitudes. Il repose sur la gestion du bon plaisir, lequel n'arrive pas
tous les jours. Plus récemment, nous avons découvert le plaisir de la
consommation d'objets, celui de Georges Perec et de Jean Baudrillard, puis un
hédonisme du bien-être : le plaisir maîtrisé, garanti notamment par
l'Etat-providence. Aujourd'hui, nous avons du plaisir par bulles : nous voulons
des choses intenses et qui durent, des expériences lisses et fortes. Cela
s'explique par la maîtrise grandissante que nous avons des conditions de
l'existence, grâce à la science et à la médecine notamment.
Dans les
années 1960, il était encore difficile d'entrer dans la bulle d'Ibiza : il
fallait rejoindre Barcelone, puis prendre un bateau qui ne passait pas tous les
jours. Aujourd'hui, vous pouvez partir en charter de Roissy avec le DJ David
Guetta, qui a mixé dans plusieurs vols pour faire la promotion d'une compagnie
aérienne. Arrivé à Ibiza, vous serez pris en charge par les hôtesses de votre
hôtel, et vous déroulerez le fil de votre voyage, que vous aurez préparé en
détail sur Internet, selon votre budget.
Quel
jugement portez-vous sur ce plaisir ?
Je ne
juge pas. Il est facile de dire que l'île s'est dénaturée en tombant dans
l'industrie des plaisirs, après avoir été un havre de paix pour la bohème chic
durant la première moitié du XXe siècle. Pourtant, dans les années 1930, Walter
Benjamin est venu à Ibiza comme tout le monde : parce que la vie y était
beaucoup moins chère qu'ailleurs. D'autres sont venus y cacher leurs plaisirs
et leurs orientations politiques, ou encore y boire tout leur saoul.
Dans
l'industrie d'Ibiza, aujourd'hui, je ne condamne que les risques d'addiction,
qui sont plus élevés, puisque les plaisirs y sont reproductibles à l'infini,
aisément. Il y a aussi un coût humain important : le couple emblématique de
l'île est l'oligarque russe et son "escort girl".
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